Il était attendu depuis des années. C’est pourtant en toute discrétion qu’a été publié le décret n°2024-1032 du 16 novembre 2024 portant sur le registre des mandats de protection future.
Que faut-il retenir de ce décret comportant 5 articles organisant la publicité du mandat de protection future ?
Le mandat de protection future sera inscrit sur :
- un registre dématérialisé
- tenu par le ministère de la justice
Ce registre concernera tous les mandats de protection future, qu’ils soient notariés ou sous seing privé, activés ou non.
Il permettra d’identifier :
- le mandant (ou le bénéficiaire dans le cadre d’un mandat de protection future pour autrui)
- son ou ses mandataire(s)
Il sera accessible :
- au mandant (ou au bénéficiaire dans le cadre d’un mandat de protection future pour autrui)
- au mandataire
- aux magistrats
- aux agents du greffe
- aux assistants et attachés de justice ainsi qu’aux personnels des tribunaux
Il sera consulté par le Procureur de la République et par le juge des tutelles saisis d’une demande de mise sous protection.
Ce registre dispose d’une toute nouvelle sous-section dans le Code de procédure civile qui définit les acteurs et leurs rôles dans les inscriptions à réaliser (articles nouveaux 1260-1 à 1260-7 du Code de procédure civile).
Dans les 6 mois de l’établissement du mandat de protection future et jusqu’à son activation :
A partir de l’activation du mandat de protection future, le greffier inscrit :
- la date d’activation du mandat
- la date de suspension du mandat
- la date de reprise du mandat
Lorsque le mandat activé prend fin, il est supprimé du registre par le greffier :
Lorsque le mandat n’a pas été inscrit avant son activation :
L’accès au service dématérialisé de ce registre des mandats de protection future et les informations qui y seront retranscrites doivent être définis par arrêté du ministère de la justice.
Aucun délai n’est fixé dans le décret pour la publication de cet arrêté.
Il est toutefois prévu que :
- l’inscription des mandats de protection future établis mais non activés avant l’entrée en vigueur de l’arrêté devra être réalisée dans les 6 mois de l’entrée en vigueur de cet arrêté du ministère de la justice
- le mandant ou le mandataire qui ne pourrait pas réaliser les démarches d’inscription par voie dématérialisée peut demander au greffier du tribunal judiciaire compétent de réaliser cette inscription. Cette demande se fera par l’utilisation d’un formulaire et la fourniture de pièces justificatives selon l’arrêté à venir du ministère de la justice
Le registre des mandats de protection future est-il utilisable avec les seules précisions du décret du 16 novembre 2024 ?
Même si le décret apporte un certain nombre de précisions quant à la forme future du registre des mandats de protection future et au rôle de chacun des intervenants dans sa gestion, il ne permet pas, en l’état, de le mettre en œuvre.
Beaucoup de questions restent sans réponses :
Le registre sera-t-il intégré au portail de la justice ?
Comment mandant et mandataire vont y avoir accès ?
Les notaires pourront-ils faire la démarche via une procuration donnée par leurs clients ?
Quelles sont les informations qui seront nécessaires pour cette inscription ?
Etc…
Au-delà des questions relatives à ses modalités de mise en œuvre, il est une particularité dans le décret que nous ne manquons pas de relever : l’absence de rôle donné au notaire pour l’enregistrement des mandats sur le registre, et l’absence d’information des tiers.
En effet, il est surprenant qu’il ne soit pas expressément prévu dans le décret la possibilité pour le notaire de réaliser les démarches d’enregistrement sur le registre, comme c’est généralement le cas habituellement.
De plus, ce qui était attendu, c’est un registre des mandats de protection future permettant la publicité de cette mesure de protection auprès des tiers, autant avant qu’après activation du mandat. La possibilité pour certaines catégories de personnes d’accéder au registre aurait permis de sécuriser les tiers et surtout les personnes protégées. La possibilité de connaître l’existence du mandat de protection future, activé ou non, peut faire gagner un temps précieux.
L’accès à ces informations peut être essentiel pour les professionnels qui ont un devoir de s’assurer de la capacité des personnes : médecins, banquiers, notaires, avocats, commissaires de justice…
Plusieurs exemples montrent l’intérêt de leur ouvrir l’accès aux informations du registre :
- pour un notaire, à l’occasion de la signature d’un acte, face à un doute quant à la capacité d’une personne à consentir,
- pour une banque qui constate des mouvements anormaux sur un compte,
- pour un avocat, avant de lancer une procédure de demande de protection devant le juge des tutelles ou avant tout signalement au procureur,
- pour un commissaire de justice ayant un doute sur la capacité d’une personne à qui il doit délivrer un acte,
- pour un établissement hospitalier qui constate la nécessité de mettre en place d’une mesure de protection.
Dans tous ces cas, l’accès au registre permettrait de contacter le mandataire de protection future pour qu’il active au plus vite le mandat de protection future, s’il ne l’a pas encore fait.
Il semblerait que la définition de « publicité » ait été, pour l’instant, restreinte par le décret aux murs des tribunaux. Si la connaissance de l’existence ou de la mise en œuvre d’un mandat de protection future est utile dans le cadre d’une procédure de mise sous protection, elle l’est aussi en amont.
Il semble que ce décret a été publié dans un contexte judiciaire particulier. Un arrêt du Conseil d’Etat du 27 septembre 2023 a enjoint le premier ministre à publier le décret relatif au registre des mandats de protection future dans un délai de 6 mois, sous astreinte. Le délai de 6 mois est arrivé à expiration le 27 mars 2024. Une procédure de liquidation de l’astreinte pourrait bien être à l’origine de la publication de ce décret dans la précipitation, sans véritable concertation avec les parties prenantes.
On peut imaginer que, dans l’attente de la publication de l’arrêté, le ministère de la justice se donne le temps de recueillir les points de vue des acteurs potentiellement concernés.
Nous sommes convaincus qu’il est encore temps d’améliorer le registre des mandats de protection future, d’autant qu’il n’est pas encore entré en application. C’est la raison pour laquelle nous proposons de créer, de manière informelle, un groupe de travail sur le sujet.
Pour lancer la réflexion sur le sujet, nous lançons une enquête à destination des notaires, concernant le registre des mandats de protection future. Vous pouvez y participer via le lien suivant https://forms.office.com/e/bH3s63uXgU
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