L’assurance-vie est une épargne privilégiée dans les mesures de protection. Elle permet de placer des sommes importantes pouvant garantir un risque minimal de perte en capital.
En tutelle, il faut demander l’autorisation du juge des tutelles pour tout acte portant sur l’assurance-vie : tous les actes portant sur l’assurance-vie sont qualifiés d’actes de disposition par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle.
En matière de mandat de protection future notarié la situation est différente.
Le mandataire de protection future :
- peut réaliser sans autorisation tous les actes de disposition à titre onéreux (article 490 alinéa 1 du code civil), sauf exception (ex : ceux portant sur le logement),
- doit demander l’autorisation du juge des tutelles pour les actes de disposition à titre gratuit (article 490 alinéa 2 du code civil).
Pour savoir si le mandataire de protection future doit ou non demander l’autorisation du juge des tutelles, la question n’est pas la même :
- il ne s’agit plus de savoir si l’acte à passer est un acte de disposition ou non,
- il s’agit de savoir si c’est un acte de disposition à titre onéreux ou à titre gratuit.
Faut-il pour cela se référer au décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle ? En matière de classification des actes, c’est généralement le réflexe des praticiens du droit de la protection juridique des adultes vulnérables.
Ce décret prévoit effectivement une liste d’actes de disposition à titre gratuit. Il peut donc être utile de s’y référer, mais malheureusement pas en matière d’assurance-vie.
Pour quelle raison ? Parce qu’aucun acte portant sur l’assurance-vie n’apparaît dans la liste des actes de disposition à titre gratuit dans ce décret.
Dans ce décret, les actes portant sur l’assurance vie sont classés dans le décret :
- soit dans la catégorie « actes divers »
- soit dans la catégorie « assurance ».
Alors, comment savoir ? Existe-t-il une réponse dans le code des assurances ?
Non, aucune disposition du code des assurances ne règle cette question. Seuls les cas de tutelles et curatelles sont prévus par le code des assurances en matière d’assurance-vie.
On pourrait en tirer comme conclusion que le mandataire de protection future peut réaliser tous les actes portant sur l’assurance-vie sans autorisation du juge des tutelles.
Nous ne sommes pas de cet avis. L’assurance-vie est un dispositif juridique complexe, induisant des actes à titre onéreux mais aussi à titre gratuit.
Le manque de clarté de la réglementation concernant le régime des actes portant sur l’assurance-vie réalisés en application d’un mandat de protection future est source de confusion dans la pratique :
- nous constatons dans certaines trames de mandat de protection future des dispositions contradictoires concernant les actes portant sur les assurances-vie,
- quelques notaires nous ont indiqué avoir été témoins de refus de juges des tutelles de se positionner sur les actes portant sur l’assurance-vie dans le cadre de mandat de protection future ; ces juges considèrent qu’en matière de mandat de protection future, les actes portant sur l’assurance-vie ne relèvent pas de leur compétence.
Pour pouvoir recourir le plus largement et sereinement possible au mandat de protection future, il est essentiel de clarifier le régime juridique des actes portant sur l’assurance-vie dans ce cadre.
A notre connaissance, aucune jurisprudence n’a tranché cette difficulté.
A notre avis, en matière de mandat de protection future, il ne faut pas tenir compte du classement du décret de 2008-1484 pour déterminer le régime juridique des différents actes portant sur l’assurance-vie. Ce décret n’a pas été rédigé pour cette finalité.
Nous pensons qu’en matière de mandat de protection future, il n’y a pas une réponse. Il faut qualifier chaque acte portant sur l’assurance-vie en se référant aux dispositions de l’article 1107 du Code civil.
L’article 1107 du code civil fixe les principes pour distinguer actes onéreux et à titre gratuit. Cet article a évidemment une force juridique supérieure au décret 2008-1484. Selon ce texte, un acte est :
- onéreux si une contrepartie est prévue en retour d’un avantage,
- gratuit si aucune contrepartie n’est envisagée en échange de l’avantage procuré.
Pour chaque acte portant sur l’assurance-vie, il faut donc vérifier la présence ou non :
- d’un avantage procuré,
- et d’une contrepartie à l’avantage procuré.
Vous trouverez ci-dessous un tableau récapitulatif des actes portant sur l’assurance-vie et la qualification qui nous paraît résulter des principes posés par l’article 1107 du code civil :
Actes passés par le mandataire | Classification en principe | Précision | Autorisation du juge |
Souscription à une assurance-vie |
Actes de disposition à titre gratuit | Les bénéficiaires désignés, à la souscription ou après, reçoivent sans contrepartie. Exception : désignation de bénéficiaire à titre onéreux (ex : un créancier en garantie d’une créance). |
Oui
Sauf bénéficiaire à titre onéreux |
Modification de la clause bénéficiaire (désignation, substitution ou révocation du bénéficiaire) | |||
Versement de nouvelles primes | Cela augmente l’avantage des bénéficiaires sans contrepartie. | ||
Rachat d’un contrat d’assurance-vie | Acte de disposition à titre onéreux | Pas d’avantage : réduction ou suppression de l’avantage procuré aux bénéficiaires. |
Non |
Comment anticiper ce sujet lors de la rédaction du mandat de protection future ?
Il est prudent d’indiquer clairement dans le mandat de protection future que :
- l’autorisation du juge sera nécessaire pour les actes procurant au bénéficiaire un avantage sans contrepartie, c’est-à-dire :
- la souscription du contrat,
- le versement d’une nouvelle prime sur un contrat existant,
- la modification de la clause bénéficiaire du contrat ;
pour que cette disposition s’impose au juge, il faudra veiller à exclure ces 3 actes du mandat. Ainsi le mandataire pourra les réaliser uniquement avec autorisation du juge des tutelles, en application de l’alinéa 2 de l’article 485 du code civil ;
- le mandataire pourra racheter tout ou partie du contrat sans autorisation du juge des tutelles.
Un second point peut être anticipé dans le mandat : les situations d’opposition d’intérêt.
La réglementation prévoit une présomption d’opposition d’intérêt entre la personne protégée et son curateur ou tuteur si ce dernier est le bénéficiaire du contrat (article L. 132-4-1 alinéa 3 du Code des assurances).
En cas d’opposition d’intérêt, le subrogé, s’il existe, ou à défaut, un mandataire ad hoc, remplace le curateur ou le tuteur demander l’autorisation au juge et pour réaliser les actes portant sur l’assurance-vie.
Cette disposition n’est pas prévue en matière de mandat de protection future.
Plus largement, les situations d’opposition d’intérêt ne sont pas réglementées dans les dispositions sur le mandat de protection future.
L’article 485 alinéa 2 du code civil évoque la désignation d’un mandataire ad hoc par le juge. Mais la mission de ce mandataire ad hoc concerne seulement les actes non couverts par le mandat.
Il est donc conseillé d’encadrer dans le mandat les situations d’opposition d’intérêt, pour anticiper tout risque de conflit. Et le sujet de l’assurance-vie est un cas flagrant d’opposition d’intérêt.
Pour éviter tout conflit, on peut prévoir dans le mandat de protection future que
- les mandataires de protection future bénéficiaires de contrats d’assurance-vie ne représenteront pas le mandant pour les actes portant sur ces assurances-vie,
- un mandataire ad hoc non bénéficiaire des assurances-vie représentera le bénéficiaire pour les actes portant sur ces assurances-vie.
Cette clause permet d’échapper aux délais de traitement d’une requête en désignation d’un mandataire ad hoc auprès du juge des tutelles en application de l’article 485 alinéa du Code civil.
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Elodie LOPEZ-ARNONE
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