Non, le notaire n’est pas chargé du contrôle des comptes du mandat de protection future activé !

Beaucoup de notaires, influencés par la doctrine, sont convaincus qu’ils sont chargés du contrôle des comptes du mandat de protection future en qualité de notaires rédacteurs.

C’est une des causes principales de la frilosité de la profession des notaires en matière de mandat de protection future !

Mais, c’est inexact ! Le notaire rédacteur a bien un rôle à jouer (article 491 du code civil) :

⁃ il est dépositaire des comptes de gestion du mandataire et à ce titre doit vérifier qu’ils sont déposés ; c’est une mission comparable au greffier du tribunal de commerce ;

⁃ il doit alerter le juge des tutelles en cas de difficultés dans la gestion.

La mission essentielle du notaire rédacteur est de définir comment sera organisé le contrôle des comptes dans le mandat de protection future. Et pour cela, comme prévu dans le mandat sous seing privé « cerfa », le mandat doit prévoir la désignation d’un contrôleur opérationnel.

Et dans ce domaine, c’est la liberté contractuelle qui prévaut ! La mandant peut choisir un proche ou un professionnel. Cette mission de contrôle n’a pas à être assumée par le notaire rédacteur.

Cette interprétation, plus proche de la lettre du texte, a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en 2022 (CA Paris 1er février 2022, RG n°20/15379, JurisData : 2022-001137) :

⁃ le notaire n’est pas chargé du contrôle approfondi des comptes de gestion du mandataire

⁃ faute de contrôleur désigné, le mandat doit être révoqué et remplacé par une mesure de protection décidée par le juge des tutelles !

C’est cohérent au regard des émoluments attribués au notaire rédacteur pour ses missions de suivi du mandat activé. Ces émoluments annuels sont compris entre 113,20 € et 339,58 € selon l’importance du budget annuel du mandat en perte de capacité.

Comment charger sérieusement un professionnel de faire une mission sujet à responsabilité pour une rémunération trop faible.

Moralité : le notaire rédacteur doit prévoir la désignation systématique d’un contrôleur pour assurer l’effectivité du mandat si nécessaire !

En effet, le greffier peut refuser d’activer un mandat de protection future, faute de contrôle organisé contractuellement !

D’ailleurs, dans le cadre notre enquête sur le mandat de protection future notarié lancée en janvier 2024, un notaire a témoigné de difficultés rencontrées avec certains greffiers des tutelles refusant d’activer le mandat pour insuffisance d’organisation du contrôle !

Non, l’habilitation familiale ce n’est pas mieux que le mandat de protection future !

L’habilitation familiale est jugée plus pertinente que le mandat de protection future par certains notaires.

L’habilitation familiale présente l’avantage d’être en apparence plus simple que le mandat de protection future : le mandataire n’a pas à déposer des comptes de gestion tous les ans, contrairement au mandataire de protection future.

Par ailleurs, les pouvoirs de la personne habilitée sont les mêmes que ceux du mandataire de protection future.

Certains notaires en concluent que l’habilitation familiale est la meilleure solution.

C’est pourtant souvent inexact.

L’avantage principal du mandat de protection future est son délai d’activation : 15 jours environ !

En matière d’habilitation familiale, le délai est de plusieurs mois. La moyenne nationale est d’environ 6 mois. Si certains juges des tutelles semblent intervenir en 2 mois, d’autres ne statuent pas avant 9 mois.

Et les délais risquent de se dégrader dans les prochaines années face à la transition démographique : les premiers papy boomers approchent de l’âge de 85 ans, âge moyen d’entrée dans la perte d’autonomie.

La mise en place rapide de la mesure de protection est souvent essentielle. La nécessité d’activation du mandat s’impose souvent dans des circonstances d’urgence : par exemple le décès du conjoint ou une hospitalisation d’urgence. Devoir attendre plusieurs mois pour la mise en place de la mesure de protection porte atteinte à la continuité du parcours de vie et de soin.

D’autre part la mise en place d’une habilitation familiale n’est pas toujours possible ou souhaitable.

Seules les personnes très proches peuvent être désignées : conjoint, enfants, petits enfants, parents. Par exemple impossible de désigner un neveu ou cousin dans le cadre d’une habilitation familiale.

Si l’absence de contrôle en habilitation familiale peut être considérée comme un avantage, ce n’est pas toujours le cas.

En cas de patrimoine significatif, de tensions familiales ou de familles recomposées par exemple, le contrôle peut s’avérer indispensable. Dans ces situations, le juge des tutelles préfèrera une tutelle à une habilitation familiale. Dans ces cas, le mandat de protection future est d’autant plus pertinent.

Enfin il ne faut pas oublier qu’en habilitation familiale, le juge des tutelles peut demander à tout moment aux personnes habilitées de rendre des comptes. Et lors de la succession, les personnes habilitées devront également rendre compte !

Moralité : Les notaires doivent informer leurs clients des avantages mais aussi des inconvénients de l’habilitation familiale et leur indiquer qu’il est conseillé de tenir des comptes de gestion même en habilitation familiale ! Et que l’anticipation via le mandat de protection future reste la meilleure solution !

Non, le mandat de protection future ce n’est pas que pour les riches !

A l’occasion des échanges que nous avons eu depuis un an avec des notaires, nous avons pu observer que certains pensent que le mandat de protection future n’est pertinent qu’au-delà d’un certain niveau de patrimoine.

Cette croyance vient du fait que la vente des résidences principales et secondaires est soumise à l’autorisation du juge des tutelles, même si on a rédigé un mandat de protection future. Alors, à quoi bon rédiger un mandat de protection future si le patrimoine des personnes est constitué uniquement de leur résidence principale.

Pourquoi une procuration bancaire dans ce cas ne serait-elle pas suffisante ?

Pour les raisons suivantes, par exemple :

  • Il ne faut pas oublier que le mandat de protection future concerne la protection des biens mais aussi de la personne. Si nécessaire, le mandataire de protection future pourra accéder au dossier médical de la personne. Cela peut s’avérer parfois nécessaire. Pour rappel, la famille n’a pas accès au dossier médical. Et la personne de confiance n’a accès au dossier médical qu’avec le consentement de la personne. Si la personne n’est plus en capacité, elle ne peut plus autoriser sa personne de confiance à accéder à son dossier médical.
  • Si une personne se retrouve en perte de capacité de fait, la pérennité des procurations bancaires peut être fragilisée. De plus en plus souvent, en présence de procurations bancaires données plusieurs années auparavant par des personnes âgées, les banques demandent l’établissement de procurations bancaires notariées, en raison de leur obligation de vigilance. Face à une perte de capacité de fait, aucun notaire n’acceptera d’établir une procuration notariée. Il sera alors nécessaire de faire une demande de protection devant le juge des tutelles, faute d’avoir rédiger un mandat de protection future.
  • Si une personne en perte de capacité de fait doit renouveler sa pièce d’identité, la procuration bancaire ne sera bien évidemment d’aucune aide ! Seule une mesure de protection de représentation permettra à un proche de faire cette démarche à la place de la personne. Or, de nombreuses formalités nécessitent de remettre une copie de la carte d’identité en cours de validité. Par exemple, une demande d’APA (allocation personnalisée pour l’autonomie).

Moralité : un mandat de protection future peut être très utile même pour les personnes ayant un patrimoine modeste, voire pas de patrimoine du tout !

Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le mandat de protection future ? Inscrivez vous à l’une de nos formations ou suivez nous sur LinkedIn !

A très bientôt ! 

L’équipe des juristes de Droits Quotidiens Legal Tech 

 

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